C’est en 1920 que Jean Haust, qui venait d’être chargé du cours de philologie wallonne créé à l’Université de Liège, conçut le projet d’une vaste enquête sur les patois romans de la Belgique; il désirait rassembler «une documentation sûre et méthodique, qui pourrait en même temps servir à l’élaboration d’un atlas» (ALW 1, 10). Il confectionna un questionnaire, s’inspirant de ceux de Jules Gilliéron pour l’Atlas linguistique de la France (ALF) et de Charles Bruneau pour l’Enquête linguistique sur les patois d’Ardenne; comportant 2100 questions, ce questionnaire permettait de recueillir en chaque point d’enquête environ 4500 mots ou formes. De 1924 à sa mort, en 1946, Jean Haust enquêta en 210 points. Ses continuateurs portèrent à 342 le nombre de points visités, dont 305 forment le maillage de base de l’ALW.
Ces matériaux linguistiques sont publiés dans l’Atlas linguistique de la Wallonie (ALW), qui se veut une présentation aussi complète que possible des parlers wallons, picards, lorrains et champenois de la Belgique. Des vingt volumes que comptera au total la publication (augmentés d’un index général), dix sont actuellement publiés (volumes 1 à 6, 8, 9, 15 et 17). Le tome premier, qui s’ouvre par la présentation générale de l’ouvrage, a trait aux aspects phonétiques des patois; le second, aux aspects morphologiques. Ces tomes introduisent au reste de l’œuvre, qui entend être un tableau du lexique belgoroman, abordé par champs notionnels: phénomènes atmosphériques et divisions du temps (tome 3); maison et ménage (4 & 5); terre, plantes et animaux (6 à 8); ferme, culture et élevage (9 à 11); métiers et outils (12 & 13); corps humain et maladies (14 & 15), actes et gestes de l’homme (16), vie sociale (17 & 18), vie intellectuelle et morale (19), vocabulaire abstrait (20).
La particularité de la méthode d’édition de l’ALW consiste dans le niveau d’élaboration du matériel linguistique: les données de l’enquête ne sont pas livrées brutes, mais expliquées dans un cadre historique galloroman; les cartes ne contiennent pas de formes, mais des symboles représentant les types (phonétiques, morphologiques, lexicaux) dégagés par l’analyse.
Marie-Guy Boutier